Par Caroline Larocque, chargée de projets au Réseau des femmes en environnement et coordonnatrice du projet «Diminuer les rejets toxiques dans l'eau: j'agis aujourd'hui».
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En 2019, la ville de Montréal déversait 8 milliards de litres d'eaux usées, non traitées, dans le fleuve Saint-Laurent. Depuis, il est possible de lire dans les médias locaux et régionaux de nombreux articles faisant référence à ce type de débordement. Bien que ce type de situation ne soit pas nouveau, l’intérêt public augmente et cela suscite de nombreux questionnements et inquiétudes. Pourquoi plusieurs municipalités au Québec déversent-elles des eaux usées directement dans les cours d’eau? Quelles sont ses conséquences? Et quelles sont les solutions possibles?
Qu'est-ce qu'une «surverse»?
Chaque station de traitement des eaux usées a une capacité maximale d’eau pouvant être traitée par jour. Bien souvent, les surplus d’eau récoltés dans une journée sont entreposés dans un ouvrage de surverse. Il s’agit d’un bassin installé en amont de la station de traitement des eaux usées servant à recevoir et à contenir les surplus d’eau usée jusqu’à ce que la station soit en mesure de la traiter. Une surverse survient lorsqu’un réseau de collecte, comprenant la station de traitement et les ouvrages de surverses, reçoit un trop grand volume d’eau pour ce qu’il est capable de traiter et d’entreposer. Pour éviter des refoulements d’égouts et d’autres dommages au sein de la municipalité, les surplus d’eau sont déversés sans traitement vers un milieu récepteur, souvent directement dans le fleuve Saint-Laurent ou dans des rivières. Il s’agit donc de débordements occasionnels.
Schéma d’écoulement typique d’un ouvrage de surverses. Crédit photo : Ville de Montréal
Selon la Fondation Rivières, organisme voué à la préservation, la restauration et la mise en valeur du caractère naturel et écologique des rivières, plus de 52 000 déversements ont eu lieu au courant de l’année 2020. La fondation publie d’ailleurs une carte interactive des déversements ayant eu lieu au courant de l’année précédente.
Plusieurs situations peuvent expliquer pourquoi une surverse a lieu. Cela arrive majoritairement en temps de forte pluie et lors de la fonte des neiges. Le débit d’eau excède alors ce que le réseau d’égout est capable d’absorber et des surverses surviennent. Des urgences telles que des bris, des besoins de nettoyage ou des pannes d’électricité pourraient aussi expliquer certains cas de surverses. Ainsi, d’une année à l’autre, le nombre de cas de surverses diffère puisqu’ils sont liés au climat et aux imprévus.
Les surverses par temps sec sont également possibles. Dans ce cas, cela s’explique par le fait que la station de traitement des eaux usées n’est pas en mesure de traiter le volume d’eau usée généré par les utilisateurs sur son territoire. On parle ici des résidents, des commerces, des entreprises et des industries.
Carte des surverses, Fondation Rivières
Les surverses sont-elles réglementées?
Les stations de traitement des eaux usées sont dans l’obligation de comptabiliser les débordements d’eaux usées non traitées et de les compiler. Ils doivent également indiquer la cause du débordement ( temps de pluie, fonte des neiges, temps sec, urgence, etc.). Les différents ouvrages de surverses doivent répondre à des exigences qui sont fixées en fonction des rejets fixés par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP) selon les usages du milieu récepteur.
Seuls les déversements par temps sec ne sont pas tolérés. Cependant, il serait souhaitable qu’aucun déversement n’ait lieu, sauf en cas d’urgence.
Quels sont les problèmes générés par les surverses?
L’eau provenant des débordements n’est ni filtrée ni traitée. Ainsi, les déchets et contaminants, dont les coliformes fécaux et les eaux contenant des ingrédients toxiques, se déversent dans les rivières et le fleuve. Des études démontrent différentes conséquences sur la vie aquatique et les sols. Notamment, les effluents d’eaux usées contenant des produits chimiques peuvent perturber la croissance et le développement, voire la reproduction, de la population aquatique et ainsi mener à la diminution des populations fauniques et à des changements dans la biodiversité des lacs et rivières (Gouvernement du Canada, 2013). Les effets des surverses sont plus grands dans les petits cours d'eau urbains où la dilution des eaux usées est minime. À plus long terme, la morphologie des cours d’eau peut radicalement changer.
La qualité bactériologique des eaux étant affectée, les débordements d'eaux usées sont également une nuisance pour les usagers des cours d’eau pratiquant des activités nautiques, dont les baigneurs, en termes de risque pour la santé humaine.
Amélioration des infrastructures
De nombreuses municipalités au Québec ont installé dans les dernières années des bassins de rétention et des ouvrages de surverses pour pallier l’augmentation des volumes d’eau, ce qui a permis de contrôler davantage les surplus d’eau. Cependant, de nombreuses infrastructures au Québec ont maintenant besoin d’être modernisées et améliorées pour répondre aux besoins grandissant des municipalités dus à l’augmentation de la population et aux changements climatiques. Cette amélioration nécessite du financement et le processus est lent.
Les gouvernements et les industries doivent contribuer et agir pour diminuer le nombre de surverses. D’ici à ce que les infrastructures se modernisent, d’autres solutions existent, et ce, autant au niveau des municipalités qu’au niveau des citoyen.nes.
Urbanisme créatif
L’objectif premier pour diminuer les répercussions des surverses est de diminuer les volumes d’eau à traiter. Cette réduction est possible en portant une attention particulière aux eaux de ruissellement. Il s’agit de l’eau de pluie qui ruisselle sur les pavés et se dirige directement dans les égouts.
Il est possible de retenir cette eau en augmentant les aménagements verts. En effet, les toits et les murs végétalisés ou les jardins de pluie ont comme avantage de permettre l’infiltration de l’eau dans les sols plutôt que dans les égouts. Ainsi, les plans d’urbanisme adoptés par les villes peuvent réduire la quantité d’eau de pluie et ainsi réduire le nombre de surverses d’eaux usées non traitées. Des tranchées infiltrantes, des pavés poreux ou des barils de pluie sont d’autres façons de limiter le ruissellement vers les égouts. En plus des avantages considérables que les infrastructures vertes peuvent avoir sur le nombre de surverses, ces infrastructures ont l’avantage d’être plus économiques que la construction d’ouvrages de surverses. Elles atténuent également les îlots de chaleur et améliorent la qualité de l’air tout en rechargeant les nappes phréatiques (Eau Secours, 2009).
Engagement citoyen
Avec les mêmes objectifs de diminution des volumes d’eau à traiter, les citoyen.nes peuvent également jouer un rôle important à la maison. Différents gestes quotidiens peuvent permettre de réduire la consommation et d'améliorer la qualité de l’eau. en voici quelques uns:
- Se procurer des électroménagers économiseurs d’eau et des toilettes à double chasses.
- Optimiser les cycles de lavage de vêtements.
- Avoir un baril de pluie.
- Éviter ou diminuer l’arrosage de la pelouse.
- Ne pas laisser le robinet ouvert lors du brossage de dent.
- Ne pas jeter les produits pharmaceutiques et les cosmétiques dans l’évier ou la toilette.
Bien qu’il soit important de réduire la consommation de l’eau de façon générale, il l’est d’autant plus en temps de forte pluie lorsque le réseau a davantage de chances d’être saturé. Ainsi, pour aider les stations de traitement des eaux usées, les citoyens et les citoyennes peuvent éviter ou diminuer le nombre de douches et d’utilisations de la laveuse et du lave-vaisselle lors des fortes pluies.
Vous pouvez également signer la charte d’engagement moral mentionnant votre engagement à diminuer, au quotidien, de la maison, vos rejets toxiques dans l’eau. Signez la charte ici.
En conclusion, les solutions existent ! Les citoyen.nes, les municipalités, les industries et les gouvernements peuvent agir pour réduire le nombre de surverses et surtout, leurs conséquences sur l’environnement.
Pour en savoir plus sur les surverses, consultez les sources suivantes :
- Eau Secours. (2009). Eaux usées et fleuve Saint-Laurent: problèmes et solutions.
- Garant, D. (2009). La problématique des surverses dans l’agglomération montréalaise; les aménagements alternatifs et complémentaires aux bassins de rétention. Essai présenté à l’UDS
- Gouvernement du Canada. (2013). Évaluation scientifique des effets des effluents d’eaux usées municipales: sommaire et mise à jour
- Gouvernement du Canada. (s.d.). Effets des effluents d’eaux usées: perturbateurs endocriniens.
- Ville de Montréal. (s.d.) L’eau de Montréal. Surverses