Portrait de membre : Chloé T. Bergeron

8 octobre 2025

Nouvelles Portraits de membres

Originaire de Lévis, Chloé T. Bergeron s’installe à Montréal pour y poursuivre ses études en administration des affaires à l’ESG UQAM, où elle complète également une maîtrise en gestion, profil responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Depuis la fin de ses études, Chloé œuvre comme consultante chez COESIO, un cabinet spécialisé en transition socio-environnementale des organisations. Elle y évolue rapidement, passant d’analyste à conseillère, puis à conseillère principale. À ce jour, elle a accompagné plus de 40 organisations issues de divers secteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs stratégies RSE.

Engagée à accélérer la transformation du monde des affaires au Québec, Chloé a également siégé pendant quatre ans au conseil d’administration du Réseau québécois des femmes en environnement (RQFE). 

Quelles sont vos principales préoccupations environnementales en ce moment?

Ma principale préoccupation professionnelle est de concilier le désir de croissance de mes clients, principalement des PME québécoises, avec le respect des limites planétaires. Comment accompagner ces entreprises dans leur développement tout en veillant à ce que leurs activités restent dans les seuils nécessaires à la préservation de l’environnement et, par le fait même, des êtres humains ? Cette réflexion, bien que complexe, est au cœur de mes préoccupations et me guide mon travail.

Quelles sont vos stratégies pour lutter contre l’écoanxiété?

Devenir mère a intensifié mon engagement environnemental. L’avenir de mes garçons m’inspire autant qu’il m’inquiète. Pour combattre l’écoanxiété, je me concentre sur des actions concrètes. Au travail, ça se manifeste en accompagnant des entreprises vers des solutions que je considère durables. Ça me donne un sentiment d’impact réel, et m’aide à gérer ces émotions.

Écoféministe ou pas?

Complètement ! Et mon approche de l’écoféminisme est profondément intersectionnelle. Pour moi, l’écoféminisme dépasse largement la relation entre les femmes et la nature. Ça englobe aussi les luttes pour la justice sociale et la reconnaissance des différentes réalités vécues. C’est une vision globale qui intègre à la fois la préservation de notre environnement et la construction d’une société plus équitable, où chaque être vivant, qu’il soit humain ou non, trouve sa place. C’est cette approche holistique qui, selon moi, est essentielle pour créer un futur durable et inclusif.

Qu’est-ce que le Réseau des femmes en environnement représente pour vous?

Le Réseau est, pour moi, un espace unique de rencontres, de développement et de création de projets. C’est un véritable catalyseur d’énergie qui regroupe des femmes passionnées et engagées, animées par une volonté commune de construire un futur plus juste et respectueux de l’environnement.

Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir en lien avec l’environnement?

Sur le plan personnel, je quitterai la région pour revenir m’installer en ville. Ce choix vise, entre autres, à réduire mon utilisation de la voiture et à aligner davantage mon mode de vie avec mes valeurs environnementales. Professionnellement, je profiterai de mon congé de maternité pour continuer à me former sur des thématiques essentielles à mon évolution. Parmi elles, la gouvernance d’entreprise m’intéresse particulièrement, car elle constitue un levier stratégique pour maximiser mon impact auprès de mes clients.

Qu’est-ce qui vous a menée vers la responsabilité sociale des entreprises et comment avez-vous su que c’était le bon domaine pour vous ?

Je n’ai vraiment pas grandi en rêvant de travailler en entreprise. En fait, au début de mes études universitaires, je me suis dirigée vers un domaine de relation d’aide, parce que je savais que je voulais avoir une carrière ou je pourrais me sentir utile. Assez rapidement, j’ai réalisé que ce n’était pas le bon cadre pour moi, puis j’ai décidé de quitter le programme. 

Ensuite, comme plusieurs jeunes adultes, je me suis retrouvée dans un baccalauréat en administration un peu par défaut, parce que c’était un programme large, qui m’ouvrirait des portes. J’ai choisi le profil management, attirée par l’idée de travailler avec les gens. Ce n’est vraiment que vers la fin de mon baccalauréat que les morceaux du casse-tête ont commencé à s’emboîter.

J’ai eu la chance de tomber sur un cours optionnel sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) vers la fin de mon programme, et ça a tout changé. Ce n’était pas un choix stratégique à l’époque, juste une curiosité personnelle. Pour la première fois pendant mon baccalauréat, j’ai vu une façon concrète d’aligner mes valeurs avec ma future vie professionnelle en affaires. C’est dans ce cours que j’ai découvert que c’était possible de transformer les organisations de l’intérieur pour répondre aux crises sociale et environnementales, et donc de travailler en entreprise sans laisser mes convictions à la porte.

J’ai eu par la suite la chance de participer aux Jeux du commerce dans le volet développement durable. Ça m’a permis d’approfondir mes réflexions, de mettre en pratique mes apprentissages, et surtout, de réaliser que ce champ d’expertise avait un vrai potentiel de transformation. C’est cette expérience qui m’a incité à poursuivre à la maîtrise en gestion et RSE.

Avec du recul, je me dis que j’aurais pu complètement passer à côté du domaine si je n’étais pas tombée sur ce cours optionnel sur la RSE. C’est un bon rappel de l’importance d’exposer les étudiantes et étudiants à ces sujets-là tôt dans leur parcours. Pas juste dans les programmes spécialisés, mais partout où on forme les futurs décideurs.

Avez-vous ressenti des doutes en début de carrière et comment avez-vous réussi à transformer ce sentiment en une force ?

Oui, j’en ai eu beaucoup. Après avoir obtenu ma maîtrise, j’ai choisi de me lancer en consultation. Au départ, mes doutes étaient surtout personnels : liés à mon âge, à mon genre, et à mon manque d’expérience sur le terrain. En RSE, on collabore souvent avec des dirigeants plus âgés et aux parcours impressionnants. En début de carrière, j’avais souvent peur de ne pas être perçue comme suffisamment crédible ou légitime lors de mes échanges avec mes clients. Bien sûr, il m’est arrivé à quelques reprises de ressentir un certain jugement lié à ces facteurs, mais en réalité, cette impression venait surtout de mon propre discours intérieur. (Cela dit, je suis consciente que malgré ces insécurités, j’ai toujours évolué dans un contexte qui m’a offert beaucoup d’opportunités. J’ai eu accès à des études supérieures, à un bon réseau, et à des environnements de travail bienveillants. Mon expérience reste celle d’une personne assez privilégiée, et ça aussi, j’essaie de ne pas le perdre de vue.)

Parallèlement à ces doutes, j’en avais un plus technique : celui d’être une généraliste. La durabilité en entreprise demande de comprendre non seulement les mécanismes du monde des affaires, mais aussi les crises environnementales et sociales actuelles, ainsi que les leviers dont disposent les entreprises face à ces enjeux. En début de carrière, je me mettais une énorme pression pour exceller partout à la fois. Je me comparais souvent à des collègues spécialisés dans un domaine précis.

Avec le temps et l’expérience, j’ai fini par y voir plus clair. J’ai réalisé que ma force réside justement dans cette généralité. Ce que je sais faire, c’est connecter les points, traduire des enjeux complexes en langage accessible, et créer des ponts entre différentes expertises. J’ai aussi appris à m’entourer de spécialistes lorsque nécessaire, et à reconnaître la valeur de cette complémentarité.

Selon vous, quelles qualités sont essentielles pour accompagner les entreprises en RSE ? (au-delà des diplômes ou des spécialisations techniques)

La première qualité qui me vient en tête, c’est la curiosité. La RSE est un domaine en perpétuelle évolution. Les attentes évoluent, les normes aussi, et les enjeux se complexifient rapidement. Il faut donc entretenir une forme de veille constante : lire, écouter, s’exposer à des perspectives variées, participer à des webinaires, suivre des formations, tester des nouveaux outils, pas parce que c’est exigé, mais parce qu’on veut mieux comprendre, rester pertinent et maximiser notre impact chez nos clients.

Ensuite, je dirais l’intelligence émotionnelle. C’est un métier profondément relationnel. On collabore avec des personnes à tous les niveaux de l’organisation : des conseils d’administration jusqu’aux équipes terrain. Et pour mobiliser, il faut d’abord comprendre. Comprendre les préoccupations réelles, les contraintes, les angles morts. Il faut savoir écouter, poser les bonnes questions, créer de la confiance. Parce que si les gens ne croient pas en toi, ou n’ont pas envie de te suivre, même les meilleures idées resteront sur papier.

Et puis, je dirais finalement le courage. Travailler en RSE, c’est souvent porter des sujets sensibles, ou impopulaires. On parle d’empreinte carbone, de gouvernance, de justice sociale. Et parfois, on dérange. Ce n’est pas tout le monde qui est aussi convaincu que toi de la pertinence d’agir. Il arrive qu’on se bute à de la résistance, comme notamment autour de thèmes comme l’équité, la diversité et l’inclusion. Naviguer ces conversations, surtout avec des personnes en position d’autorité, demande du tact, mais aussi de la solidité. Avec le temps, j’ai trouvé mon style : une honnêteté bienveillante. J’ai appris à dire ce qui est important, mais à le faire dans une posture d’écoute, de respect, de co-construction. 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui hésite à se lancer dans un domaine aussi vaste, par peur de ne pas être assez expert ou légitime ?

Je comprends cette hésitation car je l’ai moi-même ressentie en début de carrière. Mais ce que j’ai appris avec le temps, c’est qu’on n’entre pas en RSE comme on entre dans un domaine où tout s’apprend dans les livres. Bien sûr, une base solide est essentielle parce que les enjeux de durabilité sont enracinés dans des réalités scientifiques qu’il faut comprendre : climat, biodiversité, limites planétaires… Il faut s’éduquer et se former sérieusement.

Mais ensuite, il faut surtout se lancer. Parce que ce qui fait la différence sur le terrain, ce n’est pas seulement la maîtrise des concepts, c’est la capacité d’écoute, la curiosité intellectuelle et la volonté de faire bouger les choses dans un contexte imparfait. 

Et surtout, on a besoin de tout le monde. Trop souvent, on imagine que la durabilité en entreprise repose sur une seule personne ou un seul rôle. Mais pour que ça fonctionne vraiment, pour que ça s’ancre, il faut des gens engagés à tous les niveaux, dans toutes les équipes : finances, RH, production… et, de façon cruciale, en approvisionnement.

Mini parenthèse sur l’approvisionnement. C’est un des lieux les plus stratégiques et les plus négligés de l’impact environnemental et social d’une organisation. La majeure partie des émissions de GES, des risques liés aux droits humains ou à la biodiversité se joue dans la chaîne d’approvisionnement d’une organisation. Et pourtant, les spécialistes en approvisionnement responsable en entreprise au Québec sont très rares.

Alors si tu hésites à faire le saut parce que tu n’as pas encore l’expertise complète, sache que personne ne l’a vraiment. Ce que tu peux offrir, c’est ton engagement, ta rigueur, ta volonté à apprendre, et ton désir de faire ta part. Et ça, c’est déjà beaucoup.

Comment parvenez-vous à concilier vos valeurs personnelles avec votre parcours professionnel, et en quoi cela nourrit-il votre engagement au quotidien ?

Travailler dans un cabinet reconnu pour sa stratégie en durabilité (et non simplement dans la conformité ESG) m’a donné une liberté précieuse, soit celle de pouvoir réellement challenger mes clients sur ce qu’ils font, pourquoi ils le font, et surtout quelle organisation ils veulent être. Cette posture m’oblige à donner mon 110 % à chaque mandat, que ce soit dans mes analyses stratégiques, les ateliers que j’anime ou les discussions parfois difficiles avec mes clients. La complaisance n’a pas sa place.

Mais il y a eu un tournant profond dans mon engagement : la maternité. Depuis que je suis devenue mère, tout ce que je fais au travail prend un sens plus concret. J’ai réalisé que si je ne pousse pas assez fort aujourd’hui, si je ne challenge pas suffisamment mes clients, je risque de le regretter dans quelques années lorsque je me questionnerai sur l’avenir que je laisse à mes garçons. Ce métier est exigeant, parfois épuisant, mais je ne pourrais pas me regarder dans le miroir si je choisissais la facilité au détriment de leur futur.

La maternité a aussi transformé ma manière de travailler. Avant, je pouvais étirer mes journées dans les périodes de rush. Aujourd’hui, quand je suis en famille, je suis pleinement présente, et quand je suis au travail, je suis très efficiente. Pour ça, j’ai adopté des méthodes comme le Pomodoro (soit de travailler en bloc de 50 minutes de travail, 10 minutes de pause), et en structurant mes journées via le time blocking. Cette discipline me permet de concilier mes deux engagements : ma famille et l’impact que je veux avoir dans les organisations de mes clients.

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