Originaire du Burkina Faso, Djeneba Sakande Coulibaly est une experte en santé environnementale, titulaire d’un master en territoire, environnement et santé de l’Université de Ouagadougou. Après avoir réussi le concours des inspecteurs de l’environnement en 2015, elle rejoint la Direction générale de la préservation de l’environnement du Ministère de l’Environnement du Burkina Faso.
En 2019, Djeneba poursuit des études à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) grâce à une bourse du programme canadien de la francophonie. C’est à l’UQAM qu’elle découvre le Réseau des femmes en environnement, dont elle devient membre active. Son stage de maîtrise et son essai portent respectivement sur l’analyse de la participation des hommes et des femmes aux formations du réseau et les stratégies de mobilisation sur des sujets sensibles en santé environnementale.
Quelles sont vos principales préoccupations environnementales en ce moment ?
Il y en a plusieurs.
- L’aménagement du cadre bâti pour un espace de vie conviviale et saint,
- La lutte contre les îlots de chaleur,
- L’intégration du changement climatique dans nos mode de vie et de développement,
- La lutte contre les toxines dans nos assiettes,
- La lutte contre la promotion de la beauté toxique surtout chez les plus jeunes (clientèle innocente)
Quelles sont vos stratégies pour lutter contre l’écoanxiété ?
Pour lutter contre l’écoanxiété, je commence par comprendre et m’approprier les enjeux auxquels je fais face. Je me concentre ensuite sur la recherche de solutions novatrices et sur le partage de la bonne information, des alternatives et des stratégies de lutte. Il est également essentiel d’encourager le public à passer à l’action.
Écoféministe ou pas ?
Oui à 100 pour cent. Les premières soldates et victimes sur la ligne de front des problèmes environnementaux sont les femmes. La mobilisation écologique doit avoir un visage féminin car, écocide rime parfaitement avec féminicide.
Qu’est-ce que le Réseau des femmes en environnement représente pour vous ?
Le Réseau est ma maison mère, une véritable source d’inspiration et d’engagement pour moi. C’est aussi une bibliothèque environnementale qui devrait être consultée par chaque femme et homme, sans distinction. Le Réseau demeure un centre de veille et d’éveil, essentiel pour la prise de conscience collective.
Pouvez-vous nous parler de votre intérêt particulier pour la santé environnementale ?
La santé environnementale est un enjeu majeur ayant pour cause fondamentale l’engagement aveugle de l’humain pour servir un développement au gré de sa propre destruction. Les substances toxiques nous envahissent et s’imposent dans notre quotidien. L’adoption de choix éclairés à petite échelle peuvent être tissés serrés comme une toile et avoir un impact à grande échelle. Je milite en faveur d’une prise de conscience dans mon entourage et prône un effet d’adoption et de propagation.
Ce qui m’a menée à me spécialiser dans ce domaine, c’est la profonde prise de conscience des dégâts que les substances chimiques causent à la santé humaine. Je me suis aussi intéressée à la face cachée des produits que les grandes industries nous présentent comme bienfaiteurs, mais qui, en réalité, modifient insidieusement notre génome à travers les perturbateurs endocriniens, que Rachel Carson qualifiait de « tueurs silencieux ». Personnellement, tout un paquet de produits sont désormais dans ma ligne de mire et mon combat : c’est que mon entourage adopte le pas.
Quels sont les principaux obstacles à faire comprendre au grand public le lien entre pollution et santé humaine ?
La difficulté à faire le lien entre exposition et manifestation de la maladie est un obstacle majeur. Le temps qui s’écoule entre une contamination et l’apparition des effets de cette contamination joue en faveur de l’inconscience. De plus, la multitude et la qualité des publicités sur les produits inhibent la réflexion du public sur leurs impacts négatifs possibles. La pollution, en réalité, n’est pas visible ; seuls ses effets le sont. Ainsi, dans notre entourage, plusieurs de nos proches meurent sans avoir eu la cause du mal qui les entraîne à la mort.
Face à l’impact souvent invisible des pollutions de l’air, de l’eau et du sol, quelles stratégies utilisez-vous pour sensibiliser et mobiliser les communautés et accélérer leur prise de conscience ?
La première stratégie consiste à avoir le courage de mettre les mots sur des maux et de réveiller, peut-être douloureusement, le passé des gens. Il s’agit aussi de susciter l’intérêt des gens pour comprendre leur histoire de vie : comprendre l’exposition à laquelle la génération de leurs pères a été confrontée et l’impact de celle-ci sur leur propre vie et celle de leurs enfants. Cet exercice pousse également à réfléchir sur ses propres comportements et modes de vie, ainsi que sur leurs impacts sur les générations futures. La prise de conscience est parfois douloureuse et révoltante, on se pose des questions sur les fins de vie de nos proches, on pousse la réflexion et des recherches sur les liens possibles entre leur vécus et les pathologies qui minent notre famille.
Comment voyez-vous l’avenir de la santé environnementale, et quel rôle les femmes engagées peuvent-elles jouer pour renforcer cette connexion entre environnement et bien-être ?
Bien que le chemin soit long et parsemé d’embûches, l’avenir de la santé environnementale est très prometteur. De plus en plus de personnes engagées en font leur cheval de bataille. L’éveil des consciences mettra la santé environnementale au cœur des priorités de luttes environnementales. D’ores et déjà, la connexion ultime établie entre féminicide et santé environnementale par les femmes engagées permet de mieux cerner la dimension et l’ampleur des dégâts. À l’heure actuelle, nous avons très peu de connaissances sur la pagaille hormonale et les troubles génétiques possibles générées par les substances toxiques dans l’organisme. Les femmes engagées peuvent jouer un grand rôle dans ce sens. Le développement des connaissances peut être une arme efficace pour plus d’engagement et d’action collectives.
Qu’est-ce qui vous motive profondément à continuer votre engagement en santé environnementale, même lorsque les changements sont lents et parfois décourageants ?
Le désir de faire tache d’huile et de marquer le chemin pour la jeune génération.
La prise de conscience de plus en plus grandiose, marquée par les engagements divers et multiples permet d’apercevoir la lumière au bout du tunnel.
L’espoir est entretenu lorsqu’on sait qu’on n’est pas seul et que chaque goutte peut-être une goutte de trop pour faire déborder la vase, la lutte tient sa force dans l’engagement collectif !