Kattia Jean François est diplômée d’un Master 2 en Climat et Médias de l’Université Paris Saclay et de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ). Passionnée par les questions environnementales et climatiques, elle a occupé le poste de coordinatrice et animatrice de l’émission Haïti Climat. Depuis plus de sept ans, elle collabore avec divers médias et organisations dédiés à la cause environnementale en Haïti. Elle a activement contribué à des projets médiatiques visant à informer la population haïtienne sur les défis du changement climatique et à promouvoir des pratiques écologiques durables. En 2021, elle a été lauréate du prix jeune journaliste en Haïti, décerné par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), une distinction qui souligne son travail remarquable dans le journalisme et la sensibilisation aux problématiques climatiques.
Quelles sont vos principales préoccupations environnementales en ce moment?
Je suis profondément préoccupée par la montée du défaitisme climatique, cette impression que les efforts sont vains, qui freine l’action collective. À cela s’ajoute le climatoscepticisme, toujours présent dans plusieurs sphères, qui remet en cause la légitimité des données scientifiques. Je m’inquiète également de la manière dont l’économie et la richesse continuent de dominer les priorités mondiales, reléguant les urgences environnementales au second plan. Enfin, la façon dont la science climatique a été affaiblie et politisée, notamment sous l’administration Trump, m’alerte sur les reculs possibles même dans les pays historiquement moteurs en matière de recherche et de régulation environnementale.
Quelles sont vos stratégies pour lutter contre l’écoanxiété?
Pour faire face à l’écoanxiété, je mise sur l’action et la sensibilisation. Participer à des projets médiatiques qui valorisent des solutions concrètes me permet de transformer l’inquiétude en engagement. Je trouve aussi du réconfort dans le contact avec la nature et les échanges avec des personnes animées par les mêmes valeurs.
Écoféministe ou pas?
Je reconnais la pertinence de l’écoféminisme, notamment dans son analyse des liens entre l’exploitation des ressources naturelles et les oppressions sociales. Même si je ne me définis pas explicitement comme écoféministe, je soutiens les approches qui valorisent la contribution des femmes aux luttes environnementales.
Qu’est-ce que le Réseau des femmes en environnement représente pour vous?
C’est l’espace à travers lequel je me sens vivante et utile à ma communauté. Le Réseau me permet de m’ancrer dans une démarche collective, de partager des expériences, d’apprendre et de contribuer activement. Il représente pour moi un point d’appui essentiel pour poursuivre mon travail de sensibilisation environnementale à Montréal, tout en restant connectée à mes valeurs et à mon engagement envers la justice climatique et sociale.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours académique et professionnel, et ce qui vous a conduite vers le journalisme spécialisé en environnement?
J’ai obtenu un Master 2 en Climat et Médias à l’Université Paris-Saclay, en partenariat avec l’École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ). Mon parcours professionnel s’est construit autour du journalisme et de l’environnement. J’ai coordonné et présenté l’émission Haïti Climat et je collabore, depuis plus de sept ans, avec des médias et organisations engagés dans la cause environnementale en Haïti. Mon objectif a toujours été de rendre l’information climatique accessible et porteuse de solutions.
Qu’est-ce qui a éveillé votre passion pour la protection de l’environnement? Y a-t-il eu un moment ou une expérience clé qui a marqué le début de votre engagement?
Le véritable déclic est survenu après avoir suivi une formation sur la Fresque du Climat, un atelier pédagogique qui m’a permis de mieux comprendre les mécanismes et les conséquences du changement climatique. Cette expérience a été à la fois éclairante et mobilisatrice. Elle a été renforcée par mon implication en tant que responsable de communication du festival Cinécolo Haïti, un événement qui diffuse des documentaires environnementaux dans différentes régions du pays. Être au cœur de cette initiative m’a permis de constater l’impact de la sensibilisation visuelle sur les communautés, et a définitivement ancré mon engagement en faveur de l’environnement.
Quelle est, selon vous, la situation actuelle des femmes dans le secteur environnemental en Haïti? Quels leviers faudrait-il activer pour encourager leur pleine participation?
Les femmes jouent un rôle important, souvent à l’échelle communautaire, mais elles demeurent sous-représentées dans les espaces décisionnels. Il est essentiel de leur offrir plus d’opportunités de formation, de mentorat et de financement. Il faut aussi reconnaître la valeur de leur savoir, notamment celui issu des pratiques locales et traditionnelles.
Comment décririez-vous votre rôle en tant que femme engagée dans les enjeux environnementaux, particulièrement dans le contexte haïtien?
Je me vois comme une facilitatrice et une passeuse de voix. À travers mes projets médiatiques, je cherche à rendre les enjeux climatiques compréhensibles, à encourager les récits positifs et à faire émerger les initiatives locales. Dans le contexte haïtien, ce rôle prend tout son sens face aux défis multiples que vivent les populations.
Quelle est votre vision pour l’avenir — que ce soit pour votre propre parcours, pour les défis environnementaux à venir, ou pour la place des femmes dans ce domaine ?
Je souhaite continuer à m’engager dans des projets à fort impact social et environnemental, et explorer de nouvelles formes de narration pour mobiliser davantage. Je rêve d’un avenir où les femmes seront pleinement reconnues comme actrices du changement, où les médias contribueront à faire naître des solutions, et où l’action environnementale ira de pair avec la justice sociale.