Portrait de membre : Sarah Machane

Passionnée par le développement durable et la crise climatique, Sarah a étudié en sciences biomédicales et santé environnementale mondiale à la Faculté de médecine et l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Avant le début de son mandat avec CASCADES en 2021 , elle a contribué à de nombreux projets en santé environnementale et en développement durable en tant que chargée de projet et agente de planification, de programmation et de recherche pour le CIUSSS du Nord-de-l’Ile-de-Montréal (CIUSSSNIM), le Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CCSMTL) et la Direction régionale de santé publique de Montréal. Depuis, en plus de coordonner les activités de CASCADES au Québec, elle coordonne le comité pour un système de santé durable du Réseau d’Action pour la Santé Durable du Québec et est membre du conseil d’administration de l’OBNL Synergie Santé Environnement.

Quelles sont vos principales préoccupations environnementales en ce moment ?

Professionnellement, je travaille sur l’impact des établissements de santé et services sociaux sur les changements climatiques. Au vu de l’impact des changements climatiques sur la santé, il est pour moi aberrant de contribuer à un cercle vicieux qui embourbe encore plus les systèmes de santé. Je m’intéresse donc beaucoup à la pertinence et l’éco-conception des soins de santé et la gestion de la consommation des établissements de santé, de l’approvisionnement à la gestion des matières résiduelles.  Plus personnellement, en ce moment je pense beaucoup à la désinformation et à l’écoblanchiment, qui occupent (peut-être un peu trop ?) mon esprit. Ces deux enjeux touchent de plus en plus ma sphère personnelle et professionnelle, ce qui m’inquiète beaucoup. 

Comment faites-vous face à l’éco-anxiété dans votre quotidien ?

Étant une personne naturellement anxieuse, j’essaie de gérer mon éco-anxiété de la même façon que je gère mon anxiété en général : zoom-in, zoom-out, me concentrer sur mon cercle et ma communauté quelques instants et trouver du sens à ce que je fais. J’ai aussi la chance d’être entourée de personnes qui ne travaillent pas nécessairement dans le même domaine que moi, ce qui me permet de me déconnecter assez facilement. Même si ces pauses sont temporaires, elles font beaucoup de bien. 

Écoféministe ou pas ?

Grosse question ! Mon féminisme est profondément intersectoriel, les changements climatiques et la majorité des enjeux environnementaux modernes touchent plus fort et plus vite les populations vulnérables et malheureusement les femmes en font partie, alors c’est certain que pour moi il y a un lien. Je n’utiliserais cependant peut-être pas l’étiquette éco-féministe, simplement parce que je n’aime généralement pas utiliser d’étiquettes sur moi pour me laisser la place de changer d’avis, me corriger et adapter mes convictions à mes apprentissages. 

Qu’est-ce qui vous a motivée à vous engager dans la santé environnementale et à lier la santé publique aux enjeux climatiques ? Y a-t-il un projet en particulier qui vous a marqué ?

Mes parents ! Ma mère est pharmacienne et mon père diplomate alors j’ai mélangé un peu de leurs intérêts. J’ai débuté mes études en sciences biomédicales, et je me rappelle d’une conversation que j’ai eue avec mon père lorsque je cherchais un domaine vers lequel m’orienter à la maîtrise qui me permettrait d’avoir un impact positif sur la population (ce que j’ai sûrement un peu volé à ma mère qui est la personne la plus altruiste que je connaisse). Il m’a dit mot pour mot « pense à l’eau, je peux te garantir que ce sera un des plus gros enjeux planétaires des prochaines années ». Au fur et à mesure de mes recherches, je suis tombée sur le programme de maîtrise en santé environnementale et santé au travail de l’ESPUM (école de Santé Publique de l’Université de Montréal) et je me suis concentrée de plus en plus sur les changements climatiques. J’ai eu la chance de décrocher un stage de fin d’études à la Direction Régionale de Santé Publique de Montréal qui m’a confortée dans mes idées.

Les changements climatiques sont souvent perçus comme une menace lointaine. Comment parvenez-vous à convaincre le public, et notamment les jeunes, de l’impact immédiat qu’ils ont sur leur santé ?

Les spécialistes en communication, comme la communauté de pratique en communication climatique ou CAN-Rac, travaillent vraiment fort sur ces enjeux alors je suis leurs avancées avec intérêt. De mon côté, heureusement et malheureusement, je n’ai plus trop besoin de faire de sensibilisation, les inondations, vagues de chaleur, feux de forêt (et j’en passe) parlent d’eux mêmes. Je n’essaie plus de sensibiliser les climatosceptiques ou passer trop de temps à sensibiliser des personnes qui ne se sentent pas concernées mais de soutenir les personnes qui veulent agir de la meilleure façon possible. L’heure est à l’action, je pense que les autres suivront lorsqu’ils se sentiront prêts. 

Quel rôle attribuez-vous aux femmes dans les stratégies de résilience face aux crises climatiques, et comment peuvent-elles influencer les décisions politiques dans ce domaine ?

Je dirais que le rôle des femmes est bien documenté dans la littérature et je n’ai pas la prétention d’en savoir plus, mais je préfère répondre d’un point de vue personnel, en tant que femme immigrante multiculturelle. Dans de nombreuses cultures, les femmes sont les gardiennes des récits, celles qui transmettent les histoires et les valeurs aux nouvelles générations. Elles sont aussi souvent des ‘caretakers,’ notamment les mères, qui jouent un rôle clé en façonnant les mentalités futures. Ces responsabilités leur donnent une influence naturelle qui peut (mais qui comme on le sait ne peut pas toujours…) s’étendre aux décisions politiques. Ceci étant dit, je ne veux pas faire un lien direct entre le rôle de femmes et le rôles des mères, parce que toutes les femmes ne sont pas nécessairement des mères ou des caretakers. Elles sont aussi des citoyennes à part entières qui peuvent (et à mon humble avis, devraient) s’impliquer en politique, voter et avoir un leadership puissant dans leurs communautés. 

En tant que professionnelle, comment pensez-vous que des initiatives collectives comme le Réseau des femmes en environnement peuvent réellement contribuer à la lutte contre les impacts climatiques ?

Je trouve que des initiatives comme le Réseau des femmes en environnement peuvent avoir un vrai impact. Elles arrivent à mobiliser des gens autour d’objectifs communs, ce qui rend les actions beaucoup plus fortes. En plus, elles sensibilisent en créant du contenu pertinent et mettent en avant des initiatives inspirantes, ce qui peut vraiment motiver d’autres à agir. Et leurs cercles de discussion, qui sont des espaces sécurisants, permettent d’échanger librement et de co-construire des solutions.

Si vous deviez donner un conseil à un.e étudiant.e en environnement hésitant à se lancer dans un projet de santé environnementale ou de changement climatique, quel serait-il ?

Entretiens soigneusement ton réseau ! C’est un petit monde au Québec et beaucoup d’opportunités passent encore par le bouche-à-oreille. La scientifique en moi tient à ajouter : vérifie que tes actions, recommandations ou même ce que tu dis publiquement soit basé sur des sources et données fiables.

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