Réseau: Lauren, parlez-nous de vous.
Lauren: Je m’appelle Lauren Rochat et je suis la fondatrice de BocoBoco, une épicerie gourmande et zéro déchet en ligne à Montréal. Pendant 7 ans, j’ai travaillé en gestion et marketing de projets environnementaux. J’ai eu diverses expériences : en crédits carbone, en gestion de résidus agroalimentaires et en bâtiments durables.
Parallèlement, en 2015, j’ai assisté à une conférence de Béa Johnson en Gaspésie et ça a été un déclic : il fallait que je réduise mes déchets ! Alors j’ai commencé à devenir beaucoup plus minimaliste, j’ai trié mes affaires chez moi et j’ai arpenté les épiceries en vrac avec mes bocaux et mes différents sacs.
J’aimais ça mais ça me prenait énormément de temps, j’y passais tout mon samedi après-midi. Je devais me rendre dans plusieurs magasins et porter à bout de bras mes sacs remplis de bocaux. L’hiver, je devais même prendre une Communauto pour y aller. Je me rendais compte que ce n’était pas si facile et ça devenait une grosse charge mentale !
Un jour, j’ai fait le constat que chacun chez soi a : sa poubelle, son bac de recyclage, son compost et son tas de bières consignées à rapporter à l’épicerie. Je me suis dit “Si tout était consigné, ce serait plus simple et tout le monde deviendrait zéro déchet ?!”.
J’ai passé un an à rencontrer différents intervenants de la chaîne alimentaire (commerçants, producteurs, livreurs, …) avant de présenter la problématique lors d’un Startup Weekend en 2018 : comment peut-on rendre l’épicerie zéro déchet plus accessible ? Après une fin de semaine en équipe et avec des coachs, nous avons listé toutes les contraintes du zéro déchet pour arriver à notre solution actuelle :
- une épicerie en ligne
- basée sur un système de contenants consignés
- qui livre à domicile
- en plus d’être zéro déchet, BocoBoco est basée sur un système de précommande, afin de ne pas avoir de gaspillage alimentaire.
BocoBoco a obtenu la 3ème place, ce qui a été un bon coup de boost pour se lancer. Ensuite, BocoBoco a été présenté à Montréal Inc et surprise : BocoBoco est lauréat ! Je n’en revenais pas.
Un an plus tard, après avoir emménagé dans le Mile-End et réussi une campagne de sociofinancement sur Ulule, BocoBoco.ca était en ligne et les premières commandes arrivaient ! À peine 2 semaines après, BocoBoco remportait le grand prix zéro déchet de la Ville de Montréal.
Réseau: Dites-nous en plus sur BocoBoco et quels sont vos engagements ?
Lauren: BocoBoco.ca est une épicerie en ligne qui simplifie l’accès à des produits gourmands et zéro déchet, grâce aux contenants consignés et à la livraison à domicile. On est le premier e-commerce à intégrer la notion d’économie circulaire. Notre mission est de simplifier, accompagner et promouvoir le mode de vie zéro déchet.
À notre lancement en 2019, on pouvait trouver seulement une quarantaine de produits secs sur BocoBoco (soit avec l’argent du sociofinancement !), puis progressivement on a intégré les fruits et légumes et les produits frais. Aujourd’hui, on propose plus de 750 produits biologiques, locaux et artisanaux. On offre une épicerie complète avec des produits laitiers, de la viande et du poisson, de la boulangerie / pâtisserie et même du prêt à manger. Depuis 1 an, on travaille aussi avec des restaurateurs montréalais pour permettre à nos clients de recevoir de bons plats de restaurants en format zéro déchet à domicile. On favorise le local, mais aussi le microlocal, avec des partenariats avec les meilleurs commerçants et restaurants de Montréal.
Concernant nos partenaires, on est très attentifs à leurs valeurs. On souhaite mettre en avant des projets qui partagent nos valeurs : réduction des déchets, des produits ayant un plus faible impact écologique (biologiques ou avec des ingrédients biologiques), locaux, faits au Québec et en circuit court, et aussi les organisations ayant des femmes à leurs têtes ou organisées en coopératives.
En plus d’être zéro déchet, on est une épicerie zéro perte. On fonctionne avec un système de pré-commande : nos clients commandent avant le mardi minuit et sont livrés le jeudi.
Cela permet d’envoyer les commandes auprès des fournisseurs pour les produits périssables (pains, pâtisseries, fruits et légumes, prêt-à-manger) en juste-à-temps : les quantités exactes sont commandées le mercredi matin et nous les recevons le jeudi matin.
Ainsi, il n’y a pas de pertes et les aliments sont frais et d’excellente qualité pour nos clients.
On réduit nos pertes d’un point de vue environnemental mais aussi d’un point de vue financier : notre épicerie a des prix très concurrentiels, notamment en ce qui concerne nos aliments biologiques, que nous souhaitons rendre plus accessible à nos clients.
Tous les produits qui viennent généralement avec un emballage sont placés dans un contenant consigné : bocal, bouteille, filet à légumes, sac à pain, boîte d'œufs, ... Vous payez un dépôt pour la consigne et on vous rembourse en Boco$ sur votre compte quand vous nous retournez le contenant, lors de la prochaine livraison. D’où le nom BocoBoco : des bocaux pleins contre des bocaux vides!
Fin 2021, environ 60 000 contenants consignés ont circulé par notre plateforme. En considérant que chaque consigne permet d’éviter un déchet, BocoBoco a déjà permis d’éviter 2,2 tonnes de déchets à Montréal.
Réseau: Quelle est votre vision du Zéro Déchet?
Lauren: Pour nous, le zéro déchet ne doit pas être une contrainte. On a déjà des vies assez chargées et beaucoup de choses à gérer, alors on veut une solution facile et accessible pour qu’un maximum de personnes puissent réduire leurs déchets. Un mode de vie en accord avec ses valeurs, ça ne doit pas être une charge mentale supplémentaire. En bref, faire son épicerie chez BocoBoco, c’est s’acheter du temps en vrac !
Le zéro déchet, ce ne doit pas être des moins partout. C’est fonctionner avec le principe des vases communicants : si je réduis mes déchets, si je réduis mon temps à l’épicerie, c’est pour profiter davantage de mes proches, avoir plus de temps pour des activités que j’aime. Puis être zéro déchet, ça peut être moins de déchet et plus de gourmandises aussi ! Au contraire, ce n’est pas parce que l’on fait attention à son impact que l’on doit se priver de bons produits. Et nous sommes particulièrement gourmands :-)
Réseau: Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite réduire sa quantité de déchets?
Lauren: Autour de moi, j’entends souvent “le zéro déchet, c’est impossible !”. Beaucoup de personnes n’osent pas se lancer car le mot “zéro” semble un trop gros objectif. Elles ont l’image du zéro déchet que l’on peut voir sur les réseaux sociaux, où une famille arrive à faire tenir un an de déchets dans un petit pot Mason. Se réveiller en se disant : “demain, je vais être zéro déchet, avoir une maison autonome et avoir zéro impact”, c’est un peu utopique.
Quand on commence à réduire sa quantité de déchets, il faut y aller progressivement. C’est important de faire attention à ce qu’on fait rentrer chez soi : on peut refuser les sacs plastiques en ayant toujours un sac en tissu avec soi, éviter les gobelets au café en emportant sa tasse réutilisable, avoir des ustensiles sur soi pour ne pas demander des jetables. Ce sont des petits gestes qui deviennent rapidement des automatismes. On amène des objets réutilisables pour refuser les déchets.
Puis, on réduit : chez moi, un changement a été de réduire la taille de mes poubelles. J’ai commencé en plaçant ma petite poubelle de salle de bain à la place de celle de ma cuisine et j’ai tout de suite pris conscience de l’ampleur de ce que je jetais. Après cela, c’est plus simple de se rendre compte des déchets que l’on produit chez soi. Il n’y a pas de recettes miracles, car chacun a sa propre consommation. Il faut regarder ses poubelles et se demander : Quels sont mes déchets ? Quelle est l’alternative durable ?
Aujourd’hui, le zéro déchet devient une mode et on voit toutes sortes d’articles vendus, qui ne sont pas forcément nécessaires, qui ne sont pas produits localement. Éviter les déchets ne revient pas à équiper à nouveau toute sa maison, c’est avant tout apprendre à refuser, réduire et réutiliser.
Ce n’est pas non plus vivre dans une caverne en refusant toute civilisation : en parler autour de soi, échanger avec ses proches, ça aide. Et s’auto-féliciter, c’est très important ! Personnellement, j’étais très fière quand je me suis rendue compte que je n’avais plus à courir à l’épicerie, en revenant du travail car toutes mes protections menstruelles étaient durables, que je savais faire mon déodorant, si je n’avais plus de lessive j’avais plusieurs options chez moi … et au final, que je n’avais plus à descendre les poubelles et le recyclage toutes les semaines !
Réseau: Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes pour vous et pour BocoBoco dans les prochains mois/années?
Lauren: On a plusieurs grands défis et gros projets qui arrivent pour cette année 2022. On est accompagné par 2 programmes : un programme d’accélérateur, la super cohorte contre les changements climatiques de l’Esplanade - on est accompagnés par d'excellents coachs en financement, en plus du programme Recharge de Montréal Inc, destiné aux entrepreneures féminines.
Notre grand projet pour 2022 est sous le signe de la croissance.
On souhaite améliorer notre site web, optimiser nos opérations et déménager dans un plus grand local. Afin de réaliser ces objectifs, la priorité numéro 1 est donc la recherche de financement.
Parallèlement à ces projets d’envergure, on souhaite également déployer davantage BocoBoco au grand Montréal, en augmentant nos zones de livraisons et en développant des points de cueillette.
Enfin, lors de notre bilan de fin d’année, on s’est rendu compte que, par rapport à notre mission (simplifier, accompagner et promouvoir le mode de vie zéro déchet), nous travaillons peu sur la promotion du mode de vie zéro déchet.
Nous souhaitons en 2022 partager davantage notre mode de vie et réaliser plusieurs conférences de type lunch and learn sur la réduction des déchets.
L’année s’annonce intense mais on a vraiment hâte de voir BocoBoco grandir davantage !